Préface

   Ce mois-ci, Cinémédiafilm vous propose au delà d'un éditorial un véritable pamphlet sur la superficialité, la médiocrité, l'ignorance et la prédigestion intellectuelle dans le paysage cinématographique.   Là ou l'empire américain s'érige l'esprit humain s'affaisse.   L'argent remplace les idées.   Le cinéma d'auteur rame, s'enfonce et se noie dans ce triste océan Hollywoodien.   Voilà le constat d'une société en péril.

 

 


 

 

"L'argent n'a pas d'odeur, mais pas d'odeur vous monte au nez."  (Jacques Brel, extrait de la chanson Voir un ami pleurer)

 

 


 

 

"Quand un mauvais film américain est plus vu qu'un bon film français parce qu'il y a beaucoup d'argent pour la publicité, il y a agression culturelle. (...)   Je  veux que le président et les députés que j'ai élus soient plus forts que Coca-Cola.   L'économie ne doit pas primer sur le politique."  

(Cédric Klapisch, au forum mondial des Cinéastes, organisé en Corse à la fin novembre par la Société des Réalisateurs de Films.)

 

 


 

 

Hollywood

ou

l'art d'exiber sa médiocrité

à grands coups

de millions de dollars

 

   Au départ, le cinéma se voulait un instrument pour recréer le mouvement.   Aujourd'hui, ce mouvement s'enlise dans une monstration floue, brumeuse et cahotique.   Une véritable figure emblématique de notre fin de siècle.   Le contenu s'évanoui au détriment du contenant.   On nous donne à voir, mais plus rien à penser.   Les bras de Stallone, les explosions d'Arnold, les poitrines des starlettes et le faux talent de Sharon Stone priment davantage que la réflexion produite par les films comme: Les quatres cent coups de François Truffault, La double vie de Véronique de Krzysztof Kieslowski, 2001 Odysée de l'espace de Stanley Kubrick, Paris Texas de Wim Wenders ou bien Taxi Driver de Martin Scorsese. L'infantilisation mène le pas sur l'entendement humain.   Chercher, savoir, comprendre ne font plus parti du vocabulaire des contemporains.   Pourquoi leur demander tant d'effort quand ils s'abrutissent tous les jours devant un jeu vidéo, une télésérie mélodramatique, un journal de faits divers ou bien une radio présentée par des réanimateurs aux tons ludiques et aux langages minimalistes.   

 

   Quelques circuits marginaux tentent tant bien que mal de rehausser ce nivellement vers le bas mais ils n'ont ni l'argent, ni l'accessibilité auprès du grand public.   Parce qu'ils tendent vers un discours structuré, fondé, conscistant, original et innovateur, ils désorientent la population et par le fait même intimident les investisseurs.

 

   Hollywood ne fait pas exception.   Les producteurs préfèrent débloquer des fonds pour un film explosif, prévisible et extraverti plutôt que d'investir dans un film à la facture sensible, intelligente, audacieuse et réfléchie.   Plusieurs millions de dollars permettent d'endoctriner une grande partie de la planète.   À grands coups d' "american dream", Hollywood s'arme avec ses méga-vedettes, ses effets spéciaux, ses écrans géants, sa sonorisation surround stéréo dolby et ses "happys ends" à l'emporte-pièce.   Ils se forgent, s'enracinent, s'empreignent dans l'idéologie de la masse populaire. Après tous ces efforts pour hypnotiser une planète, comment peut-on demander à cet auditoire végétatif de réfléchir quand il est encore sous le choc de l'empire américain?   Et ce choc est-il inéductable?  La mondialisation ne contribue t-elle pas à ce renforcement du "Big Brother"?   Doit-on refaire nos devoirs dans cette cacophonie où les cartes semblent déjà jouées?

 

   "Les marges servent à tenir les lignes en place" comme le souligna Jean-Luc Godard.   C'est peut-être ces lignes qui serviront d'exutoires pour remonter le blason de cette linéarité intellectuelle.  Malgré un cinéma d'auteur timide, il n'en demeure pas moins présent.   Et cette présence rassurant permete de croire qu'il reste et restera dans le paysage cinématographique des véritables artisans de l'imaginaire.   Ils donnent et ils donneront aux plus gourmands des cinéphiles un mets consistant tant par sa texture narrative que monstrative.




Raynald Gagné
Fondateur de Cinémedi@film

 


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