Tout le monde aime Alice
Synopsis
Johan, correspondant pour un journal, vit une existence
bourgeoise aisée en compagnie de sa femme Lotta et de ses deux enfants, Alice, douze ans,
véritable garçon manqué, et le petit Pontus. Mais l'harmonie familiale est prête à se briser
lorsque Lotta apprend que Johan a une aventure avec Anna, sa voisine, divorcée et mère d'un
enfant. Pour épargner les enfants, Johan fait tout ce qu'il peut pour vivre cette aventure
le plus discrètement possible. Mais Anna et Lotta le forcent à choisir. Lorsque les derniers
efforts désespérés de Lotta pour reconquérir son mari s'avèrent futiles, elle le force à
regarder le problème en face. Johan décide alors de partir. Pour les enfants, cette séparation
est un véritable désastre. Pour Alice et Pontus certes, mais aussi pour Patrick, le petit
d'Anna, qui rêve du retour tant promis et tant attendu de son père. À la maison et à l'école,
Alice prétend que rien ne lui arrive. Elle dit même à ses camarades que son père est en voyage
et qu'il a la ferme intention de revenir. Mais les murmures vont bon train et Alice n'est plus
en mesure de les circonscrire. Une fois, Alice et Pontus passent un week-end avec Johan dans
la nouvelle maison de campagne de leur père. Leur séjour prend une autre tournure lorsque
Alice constate que Anna et Pontus sont également là. Elle lance alors un message de détresse
à sa mère. Mais Lotta ne le reçoit qu'en fin de journée, alors qu'Alice a eu le temps de
lier connaissance avec Patrick et commence même à s'habituer à Anna. Trop tard. Ce même soir,
au milieu d'une pluie torrentielle, Lotta et les grands-parents d'Alice arrivent en catastrophe
pour reprendre les enfants...
Analyse-critique
Le premier plan de Tout le monde aime Alice montre la
petite Alice douze ans au cabinet de son psychologue. Elle se confie et tente de voir
plus claire dans ces tiraillements interpersonnels. Sur ce gros plan, Richard Hobert, le
réalisateur, cherche, scrute et isole le personnage afin de le cerner. Il crée, par cette
mise en scène une proximité, un regard introspectif et psychanalytique fort réussi. Ce
procédé cinématographique sert de locomotive à tout le récit. Il permet de démarrer et
propulser le film dans les sillons narratologiques. Ainsi, le spectateur assiste à un
trouble, un malaise, celui de notre siècle : La séparation.
Face à un tel problème de société, le cinéaste utilise quelques
éléments du langage pour explorer cette rupture, ce trouble et ce chaos familial. Ces signes
permettent un réalisme psychologique ou l'instabilité des personnages, se fait ressentir
jusqu'au spectateur. Par cet esthétisme, Richard Hobert regarde le réel et laisse le
soin au récepteur de l'interpréter.
Tout le monde aime Alice, exhibe une réalité, exhibe
une réalité, montre un cauchemar de plus en plus présent ou les conflits interpersonnels
se heurtent aux plus vulnérables d'entre eux : Les enfants. Par sa présence éblouissante,
la fillette rend avec force et maîtrise toute cette atmosphère malsaine. Avec son jeu
naturel et spontané, Nathalie Bjork, la jeune adolescente, émeut et crève littéralement
la surface écranique par sa force d'interprétation.
Ce qui caractérise ce film, c'est également les détails et les
subtilités. Par exemple, lors de la divulgation du divorce, toute la famille se trouve au
salon, le père annonce la mauvaise nouvelle, immédiatement les deux enfants sortent de la
pièce et se précipitent dans la chambre d'Alice. Ils se couchent sur le lit et se placent
sous les couvertures. Cette fuite et ce refus cachent une métaphore iconique celui de
l'embryon. Pour eux, cette enveloppe protectrice représente un refuge, un repère, un
réconfort. Le deuxième exemple, tout aussi éloquent, montre la première rencontre d'Alice
avec son père. Pour le "sentir" (au sens propre et au sens figuré) plus près d'elle, cette
dernière lui demande de retirer son gilet afin qu'elle puisse le conserver. Cet acte, ce
geste, au-delà de l'émotion qu'il procure auprès du spectateur, tend vers une démarche
fétichiste. L'extension du père, le prolongement référentiel du mâle lui assure un
réconfort, une sécurité et un renvoi symbolique vers son géniteur, son premier amour perdu
et surtout et avant tout son premier lien direct avec la masculinité.
Ce film ne prétend pas renouveler le genre cinématographique,
mais par le jeu fébrile et soutenu des protagonistes, les plans de caméra signifiant, la
réalisation sensible, la mise en scène épurée, le montage serré et la bande son efficace,
Tout le monde aime Alice, illustre un paysage anormal mais de plus en plus commun : Le
divorce. Richard Hobert, pas sa conviction d'énonciation, démontre l'instabilité qu'un tel
événement produit au sein d'une famille. Il peint avec finesse une réalité, la réalité de
notre société contemporaine.
Avec l'aimable collaboration du Festival International du Film de Québec.
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